C'est ma deuxième chasse à l'arc africaine, en cette fin septembre de l'année 2000. Au Savannah Ranch -et partout en Afrique du Sud semble-t-il-, les conditions de chasse sont difficiles. Ici, la moitié du territoire vient d'être brûlée et les rejets végétaux sont abondants. Il y a de l'eau partout. Marc, notre guide, est un Belge expatrié, passionné d'armes et de chasse, un rire à la Assurancetourix-à vous vider une forêt de ses sangliers-. Tout commence bien, avec l'approche d'un blesbock l'après-midi de notre arrivée. A une quarantaine de mètres de lui, il nous évente. Le lendemain, nous nous répartissons dans les affuts. Au mien, deux malheureux petits phacos viennent se faire photographier. Puis un superbe bubale dévie au dernier moment de sa route vers le sel. Marc le juge recordable, dommage. Aucun animal n'est tiré. J'opte ensuite pour l'approche, après repérage en 4X4. Plusieurs tentatives sont infructueuses: la plupart des animaux sont en territoire brûlé, et nous voient arriver à des kilomètres. Quelques blesbocks et bubales sont dans les hautes herbes au moment de la sieste, mais il y a toujours une paire d'yeux qui mate (ou de narines qui sniffe) et anéantit nos efforts. Les affuts ne donnent toujours rien, et au troisième jour de chasse, aucune flèche n'a été décochée. Je change de stratégie: notre chauffeur nous dépose, Marc et moi, derrière une touffe survivante du feu, et tente une petite poussée après contournement de l'objectif. En l'occurence un groupe d'impalas males. Et ça semble marcher: la première du groupe arrive à 20 m de nous et j'arme l'arc...du moins j'essaie car l'émotion m'a vidé. Je peste de rage, Marc(retenant un fou-rire) et l'impala se tournent vers la source de ce grommèlement. Ils me regardent avec un air narquois: ça m'énerve assez pour arriver à mes fins, la mire monte à l'épaule de la bête, l'image est floue, les oreilles bourdonnent, Marc me sussurre que la suivante a un plus beau trophée, la flèche part FLAC. Un bruit mat, l'impala détale ventre à terre, et Marc me félicite déjà. L'animal fait 80 m sarrête au pied d'un arbre et s'effondre. Une attente symbolique, et nous retrouvons ce jeune mâle tout à fait mort: la flèche a pénétré un peu devant l'épaule droite, elle est ressortie derrière l'épaule gauche. Nous persévérons donc dans cette stratégie, alors que s'abat une terrible épidémie de balladite de nock set aigue, occasionnant quelques francs loupés. La méthode Chuck Adams ayant fait un nouvel adepte, je reprends rapidement le cours des choses. Les animaux semblent encore plus méfiants, et nos tentatives vaines...jusqu'au soir où nous surprenons un groupe de bubales en train de brouter. Je reste dans le 4x4 qui s'approche tout doucement. Nous contournons un arbre et Marc me fait signe d'armer. Un tour de roue de plus et le chauffeur arrête son véhicule. Nous sommes à 40 m d'un mâle correct, qui se présente trois quart arrière gauche. Putain ça fait loin. C'est notre dernier jour au Savannah ranch, et il est bien entamé. Je me décide: mire de 30 m au ras du dos, vers l'épaule droite, et c'est parti. Un bon bruit d'impact, et à nouveau un départ fulgurant. La flèche semble bonne, un petit 100 m et le bub s'arrête, vacille, fait encore quelques mètres en tangant, et s'efface derrrière un rideau d'arbustes. Les reflets rouges du soleil couchant, une bière glacée, et nous retrouvons mon animal où nous l'avions perdu de vue. La flèche est bien ressortie au niveau de l'épaule opposée, et la Snuffer a fait son travail. Le lendemain, changement de décor: nous sommes à Tabazimbi, royaume du phacochère. Un grand ranch, une végétation arbustive dense, avec des layons bien droits et des affuts idéaux...pour le tir à la carabine. Nous sommes d'ailleurs les seuls chasseurs à l'arc de la saison. C'est pas gagné, ce que confirment les premiers affuts, avec des animaux rares et méfiants. Finalement, le troisième jour, alors que Stéphane est en train de vivre une chasse mouvementée-qu'il vous contera sûrement-, j'ai ma première occasion de tir. Un phaco, accompagné d'une petite famille, vient patauger dans la flaque de mon affut. J'arme, mais une phacochette masque en partie ma cible. Elle fait un pas, je lâche ma flèche PLAOUF. Un grand bruit d'eau et tout le monde sort du marigot, cherchant d'où est venu le danger. Une poignée de secondes, puis le groupe s'en va au petit trot, la queue dressée. Qu'est-ce que ma flèche fout là, sagement couchée sur le sable chaud de la bordure, intacte? C'est encore cette saloperie de nock set. Je me venge sur un chacal en maraude...raté, puis sur une -pas si stupide- pintade...ratée. En panne de flèches, je descends faire une petite cueillette. Surprise, la première est sale et pue la tripe. Je fais quelques pas, et trouve une bonne trainée de sang qui entre dans le bush. Je préfère appeler les potes. La piste parait facile à suivre pour les pros, et nous trouvons ma bête à 150 m de là, raide morte. Coup de chance, car mon tir était cette fois trop en arrière. Mais n'en fallait-il pas pour cette belle série de réussites?